La loi du 04 août 2014, a pour objectif affiché d’instaurer définitivement l’égalité réelle entre hommes et femmes dans la société française. Elle ambitionne d’être le point final à l’évolution des droits sociaux et politiques des femmes, inaugurée à la Libération avec le droit de vote. C’est en 1972 que fut inscrit dans le Code du Travail le principe d’égalité salariale entre hommes et femmes. Après plus de 40 années de législation en faveur de l’égalité quelle est la situation actuelle des femmes sur le marché du travail?
Une féminisation de la population active… dans un nombre réduit de métiers
Depuis les années 70, les femmes sont massivement arrivées sur le marché du travail. Elles représentent en 2012 quasiment la moitié de la population active (47,7 % selon l’Insee). La fonction publique comporte 67 % d’effectifs féminins. Les femmes sont majoritaires dans des domaines comme l’administration publique et des entreprises (secrétariat, comptabilité), l’enseignement, la santé, les services à la personne, l’action sociale. Beaucoup d’emplois non qualifiés du tertiaire sont féminins.
Dans les autres secteurs d’activité (agriculture, industrie et construction), les effectifs sont restés masculin, avec moins d’un tiers de femmes. Au sein du secteur tertiaire lui-même, certaines familles de métier sont cependant peu féminisées, comme les transports et l’information et la communication (Insee). Ces métiers sont centraux dans l’économie actuelle et future. L’enquête Femmes du Numérique de 2013 révèle que la part globale des femmes dans les entreprises du numérique est de 28 %, avec des chiffres encore plus faibles dans les postes clés d’ingénieurs, de consultants et de cadres (25%).
La loi du 04 août 2014 inscrit parmi ses objectifs de passer de 12% d’emplois mixtes à un tiers d’ici 2025. Elle met en place une incitation des actions de promotions de la mixité par les entreprises (au titre de leurs obligations légales de financement). Pour Joelle Brunet-Labez, une loi en la matière est néanmoins illusoire, tant le cadre familiale est déterminant dans l’attitude des filles face aux nouvelles technologies et au monde de l’entreprise.
Le temps partiel, apanage du travail féminin
Le travail à temps partiel est très majoritairement féminin. 80,1% des contrats à temps partiel sont occupés par des femmes, soit environ un tiers de la population active féminine. Au sein du travail à temps partiel il convient de distinguer le temps partiel subi par des salariés qui se déclarent disponibles pour travailler plus. Le taux de sous-emploi féminin est de 7,9% chez les femmes contre 2,8% chez les hommes. Louis Maurin, directeur de l’observatoire des Inégalités souligne que ce taux ne prend pas en compte le renoncement d’une partie des femmes embauchées à temps partiel et qui ne considèrent donc pas pouvoir travailler plus dans les conditions actuelles.
La situation familiale est en effet décisive dans le passage à temps partiel. Chez les couples avec un enfant en 2012, 27% des femmes sont à temps partiel. A partir de deux enfants, cette proportion passe à 37,5%, et atteint 43,4% avec trois enfants Chez les hommes, le taux d’activité à temps partiel reste le même quelle que soit la situation familiale (aux alentours de 5%,Insee).
Les interruptions de carrière sont aussi une caractéristique fréquente de l’emploi féminin. La loi du 04 août 2014 propose d’atténuer les effets de la fondation d’une famille en encourageant une plus grande implication du conjoint dès la naissance de l’enfant. Cet objectif passe par une refonte du congé parental, dont la durée pourra être allongée de 6 mois supplémentaires, alloués au conjoint. Pour Brigitte Laloupe , c’est le lien entre temps de travail et performance qu’il faut revoir au sein de l’entreprise, en mettant en place des outils comme le télétravail ou l’interdiction des réunions après 18 heures. Cette idée a déjà fait son chemin dans les entreprises. En 2013, la charte « 15 engagements pour l’équilibre des temps de vie » a été ratifiée par une trentaine d’entreprises, dont Carrefour, BNP Paribas, AXA, LVMH ou Allianz.
Plafond de verre et égalité salariale
L’augmentation du nombre de femmes actives est manifeste parmi les cadres (39 % d’effectifs féminins). Les femmes restent cependant moins présentes dans les instances dirigeantes des grandes sociétés. Dans l’ensemble des secteurs, moins d’une entreprise sur cinq (18,1% en 2011, Insee) est dirigée par une femme. Il en va de même dans la fonction publique où les femmes sont minoritaires dans les postes de direction. La loi du 04 août fixe pour objectif aux grandes entreprises 40% de femmes dans leurs conseils d’administration d’ici 2017 ou 2020 suivant leur taille. La féminisation est un enjeu clé des entreprises. 28 entreprises (CAC 40 et SBF 120) ont signé une convention à l’initiative du ministère du Droit des Femmes, pour promouvoir la féminisation des équipes de direction. Le palmarès 2014 de la féminisation des instances dirigeantes, prenant en comptes les politiques internes de féminisation et la présence effective des femmes dans les instances dirigeantes (Comex, conseils et top 100) a récompensé Sodexo.
Tous salaires confondus, la différence de salaire globale entre hommes et femmes est de 24%; différence, encore plus nette parmi les cadres (32%). La nouvelle loi prévoit d’inscrire l’égalité salariale au centre des négociations annuelles de salaire et des négociations quinquennales de classification.
Les inégalités salariales sont fonction des autres clivages entre emploi masculin et emploi féminin (temps partiel, secteurs moins rémunérateurs…). Une partie de l’inégalité reste néanmoins non expliquée, relevant vraisemblablement de représentations sociales et psychologiques. Le cabinet de RH Quadrige montre la nécessité d’analyser dans chaque entreprise les facteurs qui induisent des écarts de rémunération ou de promotion. Des outils comme le mentoring, le coaching peuvent permettre d’accompagner les parcours professionnels et de défaire les salariés, hommes et femmes confondus, de stéréotypes qui sont autant de frein à la parité dans le monde du travail.